PRESCRIRE LE BONHEUR, EST-CE POSSIBLE ?
Non seulement cela est possible… mais ça se fait !
Du National Health Service (NHS), du Royal College of General Practioners (RCGP), du National Institute for Health Research en Grande-Bretagne jusque dans des pays comme le Canada (Ontario), la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et Singapour, la PRESCRIPTION SOCIALE redonne aux patients qui consultent un médecin de famille (aussi dit généraliste ou omnipraticien) le courage de vivre, l’estime de soi et un apaisement de leur souffrance.
DE QUOI S’AGIT-IL ?
Il s’agit d’un moyen important d'élargir les options dont disposent les médecins généralistes et autres praticiens de proximité et qui leur permet de fournir des soins :
→ qui adoptent une approche globale et flexible,
→ qui traitent le patient et non son état,
→ qui sont adaptés à la santé physique et mentale des personnes et à leurs circonstances personnelles,
→ qui permettent au médecin de travailler avec ses patients en tant que partenaires de leurs propres soins,
→ ET QUI SONT ANCRÉS DANS LA COMMUNAUTÉ.
POURQUOI ?
On avance qu’environ 20 % des patients consultent leur médecin généraliste pour des questions essentiellement sociales, et qui ne peuvent être résolues que par le bais d’interventions sociales. En effet, leurs problèmes ont leur origine dans la privation socio-économique ou/et dans des problèmes psychosociaux à long terme. Par exemple, le geste facile d’une prescription d’antidépresseurs est une solution à court terme qui installe une conspiration du silence entre le patient et son médecin – les vrais problèmes ne seront pas abordés ni résolus --, et produit un sentiment de défaite pour le médecin face à son patient.
Certes, la prescription d’antidépresseurs pour soulager la misère d'une vie difficile peut aider à mettre en sourdine des problèmes immédiats, mais cela ne suffit pas si nous voulons que notre société ait un avenir durable, affirment Janet Brandling et William House. Selon eux, et ils sont très loin d’être les seuls, la prescription sociale est un antidote libérateur à la MÉDICALISATION DE LA SOUFFRANCE dans notre société et donc à sa persistance endémique.
UNE URGENCE SANTÉ
Il est pressant de reconnaître que les désirs profonds de tout être humain petit ou grand, jeune ou vieux, riche ou pauvre sont de :
* donner un sens à la vie,
* développer son potentiel en tant que personne et
* contribuer à la société.
Le manque de sens est un affreux « vide existentiel » qui se manifestera assez rapidement par l’ennui, puis le désintérêt, pour aboutir dans l’envahissement gluant de nombreux problèmes névrotiques, de dépendances, de toxicomanies, de modes de vie chaotiques et générateurs de maladies débilitantes.
LA PRESCRIPTION SOCIALE AU SECOURS DU MAL DE VIVRE ET DE SES MAUX
La prescription sociale, c’est une clé de plus dans l’arsenal des traitements que le médecin de famille peut offrir à son patient. Elle élargit les options disponibles lors d'une consultation de soins primaires et permet de s’éloigner de la prescription médicamenteuse. Cet élargissement va dans le sens de choix concrets qui offrent de nouvelles opportunités de vie susceptibles d'ajouter du sens, de former de nouvelles relations ou de donner au patient une chance de prendre des responsabilités ou d'être créatif.
Le médecin prescrit une implication au sein des secteurs bénévoles, communautaires et des entreprises sociales. On peut nommer les agences de travail bénévole, l'enseignement supérieur, les bibliothèques, les clubs sociaux ou les déjeuners, les groupes d'entraide, les organisations d'entraide, les clubs de loisirs, l'horticulture, les clubs sportifs, la protection de la nature, les groupes de lecture, les cours d'art, de danse, de chant, de cuisine, les connexions à des réseaux de deuil, les clubs de marche, etc. L’éventail de possibilités est très large et il puise dans les ressources locales où vit le patient.
LES SOINS VERTS
L’engagement dans des environnements naturels est depuis toujours associé à une amélioration de la santé et du bien-être dans la population générale. Le terme SOINS VERTS comprend les interventions thérapeutiques, sociales ou éducatives impliquant l'agriculture, les animaux de ferme, le jardinage ou le contact général avec la nature. Les soins verts sont utilisés dans le cadre du plan thérapeutique pour une variété de troubles psychologiques et de handicaps physiques connexes chez les enfants, les adolescents, les adultes, et les personnes âgées.
La prescription sociale peut recommander des soins verts comme :
1. l’équitation thérapeutique ;
2. l’élevage thérapeutique (prendre soin de poules, lapins, vaches, chèvres, etc.) ;
3. l’agriculture thérapeutique ;
4. l’horticulture thérapeutique.
Toutes ces thérapies sont basées sur une compréhension des déterminants sociaux de la santé. Elles reconnaissent les interconnexions entre les niveaux d'activité, la connectivité sociale, et la santé physique et mentale.
POUR QUI LES SOINS VERTS ?
Les principes de la prescription de soins verts sont de plus en plus appliqués :
• aux populations âgées, dans le but de lutter contre la solitude, d'améliorer les niveaux d'activité physique et le bien-être mental ;
• aux patients avec des antécédents de problèmes de santé mentale et qui sont des patients fréquents ; • aux patients ayant au moins deux affections de longue durée ;
• aux patients affligés de pauvreté sociale (solitude, relations sociales dysfonctionnelles) ;
• aux patients avec un diagnostic de côlon irritable, de fibromyalgie ou de fatigue chronique ;
• aux patients ayant un historique d’au moins trois renvois aux soins secondaires au cours de l’année écoulée.
LA PRESCRIPTION SOCIALE FONCTIONNE-T-ELLE ?
* Chez les patients, les résultats de la prescription sociale et de soins verts font état d'une amélioration générale de leur santé mentale et d'une plus grande capacité à gérer eux-mêmes leur santé, ainsi que d'une diminution de la solitude et d'un plus grand sentiment d'appartenance et de connexion.
* Chez les personnes âgées, les activités de soins verts aussi appelés écologiques, ont déclenché un vieillissement ACTIF où l'apprentissage de nouvelles compétences pratiques et relationnelles les a aidées à reconnaître leur valeur.
* Chez les médecins de famille, on note une amélioration du bien-être des patients et une réduction des visites répétées, mais aussi un meilleur sens et une plus grande satisfaction de l’exercice de la médecine.
* Dans la communauté, la prescription sociale a permis une intégration plus poussée entre les soins cliniques, les équipes interprofessionnelles et le soutien social, ce qui a renforcé sa capacité par la cocréation.
* En milieu hospitalier, on a obtenu une réduction des admissions dans les services d’urgence jusqu’à 24 %.
* La prescription sociale peut également contribuer à répondre aux pressions croissantes sur les services de santé mentale.
* En effet, les analyses de données longitudinales du Royaume-Uni montrent que des interventions simples peuvent avoir des effets spectaculaires. Par exemple, l'adoption d'un passe-temps augmente de 272 % les chances de se remettre d'une dépression ; un engagement culturel régulier réduit de 48 % les risques de dépression et de 20 % les risques de handicap physique.
CONCLUSIONS
∞ Quand on sait que 80 à 90 % de notre santé et de notre bien-être sont déterminés par des facteurs extérieurs au système de santé classique car profondément influencés par le contexte social, des options de traitement non médical doivent être bienvenues.
∞ Il faut maintenant passer à la démédicalisation des besoins sociaux qui, non comblés, s’expriment par la dépression, les déficits de cognition, et la douleur chronique.
∞ Attardons-nous à la réalité de l'impact négatif de la distanciation sociale résultant des restrictions de la COVID-19 qui pourrait être dilué par la collaboration entre un système global de prescription sociale et le personnel communautaire.
∞ Définitivement, la prescription sociale est un processus empathique qui provoque une série de résultats positifs pour les individus : une meilleure estime de soi, une amélioration de l'humeur, des possibilités de contacts sociaux, une plus grande efficacité personnelle, diverses compétences transférables et une plus grande confiance en soi. N’est-ce pas ça le bonheur ?
© 2021 Danièle Starenkyj
SOURCES
1. Kerryn Husk, et coll., Social prescribing: where is the evidence? Br J Gen Pract, janvier 2019.
2. Michelle Howarth et coll., Social prescribing: a 'natural' community-based solution, Br J Community Nurs, juin 2020.
3. Sara Bhatti, Jennifer Rayner et coll., Using self-determination theory to understand the social prescribing process: a qualitative study, BJGP Open, avril 2021.
4. Janet Brandling et William House, Social prescribing in general practice: adding meaning to medicine, Br J Gen Pract, juin 2009.
5. Martin Roland et coll., Social Prescribing - Transforming the Relationship between Physicians and Their Patients, N Engl J Med, juillet 2020.
6. Alison Fixsen, Marie Polley et coll., Social prescribing for stress related disorders and brain health, Int Rev Neurobiol, 2020.
7. Rx : Communauté - Prescription sociale en Ontario, premier projet pilote de recherche sur la prescription sociale au Canada, de septembre 2018 à décembre 2019.
8. Sharon Cuthbert et coll., Green care in psychiatry, Br J Psychiatry, février 2021.
9. Sara Santini et coll., Can a Green Care Informal Learning Program Foster Active Aging in Older Adults? Results From a Qualitative Pilot Study in Central Italy, J Appl Gerontol, novembre 2020.
10. Yvette Buist et coll., Innovating dementia care; implementing characteristics of green care farms in other long-term care settings, Int Psychogeriatr, juillet 2018.
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