LES HOMMES MALADES DES BÊTES MALADES DES HOMMES : VRAI OU FAUX ?
Vrai. Aujourd’hui, on reconnaît officiellement que la santé des personnes est étroitement liée à la santé des animaux et à notre environnement commun. Nous sommes malades des bêtes et les bêtes sont malades de nous dans un environnement que nous avons dégradé, appauvri, contaminé, pollué.
LE PRINCIPE UNE SEULE SANTÉ
En 2021, le directeur général de l’OMS, revendiquait « un nouveau traité international sur la préparation et la riposte aux épidémies », et à cette fin, il demandait que notre monde fasse sien le principe « UNE SEULE SANTÉ » qui relie la santé des humains, des animaux et de notre planète.
L’INITIATIVE UNE SEULE SANTÉ
En 2004, la World Conservation Society (WCS), une des grandes organisations non gouvernementales internationales sur la BIODIVERSITÉ, avait déjà promu l’initiative « One World, One Health » et les Douze Principes de Manhattan, dont le premier était « la nécessaire reconnaissance des liens entre la santé humaine, la santé animale et l’environnement ». Le concept « One World, One Health » -- en français « Un seul monde, une seule santé » -- fut alors consacré et protégé.
« Une seule santé », c’est l’affirmation qu’ensemble, la médecine et la médecine vétérinaire peuvent générer de nouvelles connaissances scientifiques entre les espèces, ce qui est exactement ce qui est nécessaire pour relever les défis d'aujourd'hui.
Des scientifiques insistent : « Il est essentiel de briser les silos disciplinaires conventionnels de la médecine humaine, de la médecine vétérinaire, de la santé environnementale, de la santé publique et des sciences sociales, afin que les futures crises sanitaires puissent être prévenues et atténuées en collaboration. C’est là le mandat « Une seule santé ».
L’EFFET ACCÉLÉRATEUR DE LA COVID-19
La récente pandémie de COVID-19-- au moins la sixième pandémie mondiale depuis la pandémie grippale de 1918 – a eu, comme toutes les pandémies, son origine dans des microbes portés par des animaux. Par contre, on ne nie plus que son émergence a été entièrement déterminée par les activités humaines. C’est ainsi qu’elle a conduit à l’urgence de « la reconnaissance mondiale d'un plus grand travail interdisciplinaire et multidisciplinaire, et de la nécessité d'approches systématiques qui reconnaissent l'interconnexion et les interactions entre la santé humaine, animale et environnementale », donc du concept « Une seule santé ».
LE RETOUR DES ZOONOSES
C’est le grand-branlebas. On ne cache plus qu’au cours de la dernière décennie, on a observé une augmentation significative de la circulation des agents infectieux. On signale la propagation et l'émergence d'épizooties (épidémies qui frappent les animaux), des zoonoses (maladies infectieuses des animaux vertébrés transmissibles à l'être humain), et d'épidémies. On sait que les risques de pandémies sont devenus de plus en plus critiques.
Depuis 1970, plus de 335 maladies nouvelles ou occasionnées par de nouveaux agents pathogènes sont apparues. Soixante-quinze pour cent d’entre elles sont d’origine animale.
Ces dernières décennies ont ainsi vu l’émergence du SIDA, du SRAS, du MERS, du Chikungunya, de la fièvre Ebola, des différents épisodes d’influenza d’origine aviaire, de la maladie de la vache folle due à des prions, ce nouvel agent infectieux – soit une protéine infectieuse.
DE MALHEUREUSES COMPLICATIONS
Pour compliquer tout cela, la santé humaine et la santé animale sont maintenant gravement menacée par la résistance aux antibiotiques -- chaque année 60 000 tonnes d’antibiotiques sont utilisées au niveau mondial, dont 50 % en médecine humaine et 50 % chez l’animal.
Ainsi, on va jusqu’à appliquer le concept « Une seule santé » aux maladies dites non transmissibles, qui sont liées à l’exposition à de multiples stress, y compris les stress toxiques (traumatismes, événements néfastes de l’enfance, intoxications médicamenteuses, etc.) et aux nouveaux modes de vie et d’alimentation urbains-industriels.
Les spécialistes sont catégoriques, le succès « Une seule santé » devra passer désormais par la suppression des barrières interdisciplinaires qui séparent encore la médecine humaine et vétérinaire des sciences écologiques, et environnementales.
L’ÈRE DES ÉPIDÉMIES
De façon urgente, le but précis de « Une seule santé » est, selon l’ONU, d’échapper à « l’ère des épidémies ».
Dans un rapport de l’ONU en octobre 2020, on lit :
« On estime à 1,7 million le nombre de virus « non découverts » actuellement présents dans les mammifères et les oiseaux, dont 850 000 pourraient avoir la capacité d'infecter les êtres humains. » Le Dr Peter Daszak affirme : « Il n'y a pas de grand mystère sur la cause de la pandémie de COVID-19, ou de toute autre pandémie moderne. Ce sont les mêmes activités humaines qui sont à l'origine du changement climatique, de la perte de biodiversité et, de par leurs impacts sur notre environnement, du risque de pandémie. Les changements dans la manière dont nous utilisons les terres, l'expansion et l'intensification de l'agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains. Voilà le chemin qui conduit droit aux pandémies. »
NIER POUR NE PAS ÊTRE DÉRANGÉ
En 1984, Orion publiait des Docteurs Agatha Thrash, M.D., et Calvin Thrash, M.D., le livre Les hommes malades des bêtes. Il fut mal reçu. Perçu comme une attaque contre les animaux en général, et plus particulièrement contre les animaux familiers, son message de la réalité des zoonoses ne fut pas accepté.
En 2003, le jour même de la déclaration du premier cas reconnu de la maladie de la vache folle au Canada, sortait de presse le livre Quand manger rend fou – La filière des protéines infectieuses. Le livre fut lancé à Paris (France), mais cette incroyable histoire des prions fut rapidement qualifiée d’alarmiste et étouffée.
15 DÉCEMBRE 2022 : LA COP 15
À nouveau, l’importance impérieuse de protéger la nature et le million d’espèces animales menacées d’extinction, ainsi que d’arrêter la spirale descendante destructrice de notre monde a été débattue par 195 pays plus l’Union européenne à la COP 15. L’accord a été signé. Notre génération saisira-t-elle cette occasion qualifiée de « sans précédent » pour collaborer en vue d’arrêter la perte de biodiversité et créer un monde positif pour les humains, les animaux et la nature ?
Un geste concret serait de reconnaître les liens indissolubles entre la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale.
Les écoles de médecine, de médecine vétérinaire et de santé publique adopteront-elles le concept "Une seule santé" et prépareront-elles leurs étudiants à relever les défis de l'avenir en affirmant UNE SEULE SANTÉ ?
© 2023 Danièle Starenkyj
RÉFÉRENCES
- Pranab Chatterje et coll., One Health, "Disease X" & the challenge of "Unknown" Unknowns, Indian J Med Res, 2021.
- Mats Leifels, The one health perspective to improve environmental surveillance of zoonotic viruses: lessons from COVID-19 and outlook beyond, ISME Communications , 2022.
- Michael P Dykstra et coll., A Call for One Health in Medical Education: How the COVID-19 Pandemic Underscores the Need to Integrate Human, Animal, and Environmental Health, Acad Med, 2021.
- Tracey A King, The One Medicine concept: its emergence from history as a systematic approach to re-integrate human and veterinary medicine, Emerg Top Life Sci, 2021.
- A.L. Parodi, Le concept « One Health », Une seule santé : réalité et perspectives, Bull Acad Natl Med, 2021.
- Nature Action, ONU, programme pour l’environnement, Échapper à l’« ère des pandémies », Les experts mettent en garde contre de pires crises à venir, 29 octobre, 2020.
- COP 15 Montréal, 7 au 19 décembre 2022.
- Thrash A. et Thrash C., Les hommes malades des bêtes, Orion, 1984 (épuisé).
- Starenkyj D., Quand manger rend fou – La filière des protéines infectieuses -- Orion, 2003.
- Starenkyj D., La santé totale, « Précis d’hygiène », Orion, 2009.
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