LE SEL, UN MINÉRAL INDISPENSABLE
Il était un temps où le sel était échangé couramment contre de l’or, gramme par gramme, sur les routes du sel qui sillonnaient le monde connu. L'une de ces routes des plus fréquentées partait du Maroc et traversait le Sahara vers le sud, jusqu'à Tombouctou.
Pour les Romains non seulement le sel servait à aromatiser et à conserver les aliments, mais il constituait également un bon antiseptique. Il était aussi pour eux un agent de santé, le mot « sal » étant apparenté à « Salus », nom de leur déesse de la santé. Précieux, il faisait partie de la solde du soldat d’où notre mot français salaire.
Jusque dans notre 20 e siècle, le sel, fortement taxé, a suscité des révolutions : en France, sous Louis XVI, cette taxe, la gabelle, a contribué à déclencher la révolution française ; en 1930, la taxe britannique sur le sel en Inde a poussé le Mahatma Gandhi à organiser un pèlerinage de ses partisans au bord de la mer pour fabriquer son propre sel, ce qui a mené à l’émancipation de l’Inde en 1948.
TOUT ÇA POURQUOI ?
Tout ça, parce que le sel est essentiel à la vie.
Le sel est du chlorure de sodium. Ce minéral n’est pas naturellement présent dans les aliments. Le sel doit être ajouté à l’alimentation pour que le corps en profite. On peut dire que sans sel, le corps est privé de sodium et de chlorure, éléments indispensables à la vie.
Le sodium corporel total est d’environ 100 g. 40 % du sodium se trouvent dans les os et 60 % dans le liquide à l’intérieur et à l’extérieur des cellules. Le chlorure corporel total est d’environ 82 g dont 70 % sont répartis dans le liquide extracellulaire et le reste dans le collagène du tissu conjonctif. Preuve de leur importance vitale, de multiples mécanismes agissent de concert pour réguler étroitement les concentrations de sodium et de chlorure dans l'organisme.
Ces mécanismes utilisent l'énergie (l’ATP) pour pomper le sodium hors de la cellule en échange de potassium. On estime que leur activité représente 20 à 40 % de la dépense énergétique au repos d'un adulte typique.
La grande proportion d'énergie consacrée au maintien des gradients de concentration sodium/potassium souligne, elle aussi, l'importance de cette fonction dans le maintien de la vie. Le contrôle étroit du potentiel de la membrane cellulaire par un apport équilibré en sel est essentiel pour l’équilibre acido-basique, la transmission de l'influx nerveux, la contraction musculaire et la fonction cardiaque.
UNE CAMPAGNE ANTI SEL
Depuis quelques décennies, plusieurs organismes de santé recommandent un faible apport en sodium (inférieur à 2,3 g/jour, ou 5,8 g/jour de sel, soit moins d’une cuillère à café) pour des populations entières, en partant du principe que la réduction de l'apport en sodium, quel que soit le niveau d'apport, abaissera la tension artérielle et, par conséquent, l'incidence des maladies cardiovasculaires.
Rappelons que les termes « sel » et « sodium » sont souvent utilisés comme synonymes. Toutefois, en poids, le sel comprend 40 % de sodium et 60 % de chlorure.
Une étude affirme : « La plupart de la population mondiale consomme une quantité modérée de sodium alimentaire (2,3-4,6 g/jour ; 1-2 cuillères à café de sel) qui n'est pas associée à un risque cardiovasculaire accru, mais le risque de maladie cardiovasculaire augmente lorsque les apports en sodium dépassent 5 g/jour, soit 12,5 g de sel. »
TROP DE SEL ALIMENTAIRE, COMMENT ?
Oui, on peut consommer trop de sel. Mais comment ?
L’excès de sel est impossible dans une alimentation paysanne agricole, comme le régime méditerranéen, par exemple.
Mais il est obligatoire dans un régime basé sur les aliments issus de l’industrie agroalimentaire.
Dans ces aliments ultratransformés, le sodium est ajouté pour rendre certains aliments stables à la conservation. Le sel est aussi un excellent exhausteur de goût. Il est ainsi omniprésent dans l'approvisionnement alimentaire industriel, de sorte que tous les groupes d'aliments (végétaux et animaux) contribuent ainsi artificiellement aux niveaux élevés d'apport en sodium.
Le sodium se trouve dans les produits animaux, tels que le lait (l’alimentation des vaches est supplémentée en sel), la viande, les fromages et les crustacés. Il est souvent présent en grandes quantités dans les aliments tels que le pain blanc, les pâtisseries (bicarbonate de soude), les céréales en boîte, les charcuteries, et les biscuits apéritifs salés (snacks), ainsi que dans les condiments (par exemple, sauce de soja, sauce de poisson), les eaux de boisson pétillantes, et le glutamate de sodium, utilisé comme additif alimentaire dans de nombreuses régions du monde.
Cette alimentation industrielle est trop riche en sel, et trop pauvre en fruits et légumes, les sources essentielles de potassium. (Un apport accru en potassium réduit la tension artérielle systolique et diastolique chez les adultes.)
On estime que 80 % des apports en sel dans la malbouffe proviennent du sel ajouté lors de la transformation ou de la fabrication des aliments.
On sait où se situe le problème ? Pourquoi ne pas le crier sur les toits ? Il se situe dans l’alimentation issue de l’industrie agroalimentaire. Comment s’en sortir ?
LA SOLUTION SIMPLE
En 2022, le plus grand essai clinique randomisé portant sur la réduction du sodium et l'insuffisance cardiaque a révélé que la réduction de la consommation de sel n'entraînait pas une diminution des visites aux urgences, des hospitalisations ou des décès chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque.
Les chercheurs ont toutefois constaté une amélioration des symptômes tels que le gonflement, la fatigue et la toux, ainsi qu'une meilleure qualité de vie globale.
Ces affirmations nous viennent du Dr Justin Ezekowitz, professeur à la faculté de médecine et de dentisterie de l'université d'Alberta et codirecteur du centre canadien VIGOUR.
De façon candide, il met au compte de l’abandon des produits ultratransformés l’amélioration de la qualité de vie de ses patients cardiaques qui ont suivi les conseils nutritionnels recommandant des menus élaborés à partir d’aliments régionaux et tout simplement cuisinés à la maison. Ceci donnant la preuve que cuisiner chez soi des aliments non transformés contrôle automatiquement l’usage abusif de sel, ce qui se traduit par une amélioration des symptômes des problèmes cardiovasculaires existants, et de la qualité de la vie des malades.
CONCLUSION
Ni trop ni trop peu de sel est une source de vie abondante. Le trop de sel n’est pas le résultat du sel ajouté à table ou lors de la cuisson. Il peut aussi être en lien avec les médicaments effervescents (mais aussi les suppléments de vitamines et minéraux effervescents). En effet, un comprimé effervescent de paracétamol apporte 1 g de sel, soit autant qu'une poignée de chips. Pour les consommateurs quotidiens qui peuvent prendre la dose antidouleur maximale de 8 comprimés par jour, le risque d’hypertension est multiplié par 7. (Étude publiée dans l’European Heart Journal, février 2022.)
Mais le trop peu est également très dangereux. Nous en parlerons dans le blog de la semaine prochaine sur l’HYPONATRÉMIE, soit un faible taux de sodium dans le sang.
RÉFÉRENCES
- Andrew Mente et coll., Sodium Intake and Health: What Should We Recommend Based on the Current Evidence, Nutrients, 2021.
- Martin O'Donnell et coll., Salt and cardiovascular disease: insufficient evidence to recommend low sodium intake, Eur Heart J, 2020.
- Nancy R. Cook et coll., Sodium and health—concordance and controversy, BMJ, 2020.
- A. Justin Ezekowitz et coll., Reduction of dietary sodium to less than to 100 mml in heart failure (SODIUM-HF) : an international, open label, randomized, controlled trial, The Lancet, 2022.
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