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Danièle Starenkyj

LE MICROBIOTE : CONNEXIONS INTERNES ET STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES

La médecine microbienne a récemment beaucoup évolué et a connu de grands progrès. C’est ainsi que la modulation du microbiome de l'hôte a été proposée comme traitement potentiel ou préventif pour de nombreux troubles de la santé.


Un de ces progrès est la découverte que de la naissance à la mort, une relation étroite lie la communauté microbienne des poumons, du cerveau et de la peau au microbiote intestinal. C’est ce que l’on appelle maintenant les axes intestin-poumon, intestin-cerveau et intestin-peau.


Passons-les en revue.


L’AXE INTESTIN-POUMON


Ces organes sont anatomiquement éloignés l'un de l'autre, mais, étonnamment, les règnes microbiens des voies respiratoires et digestives maintiennent une interaction dynamique qui joue un rôle clé dans l’équilibre de l'organisme et dans l'évolution des maladies.


→ Par exemple, une étude récente a montré que la transplantation de microbes fécaux peut atténuer les lésions pulmonaires aiguës chez les rats, en réduisant l'expression des facteurs inflammatoires, et peut éventuellement réduire le risque de progression de COVID-19 vers des stades plus avancés.


→ Les souris sans germes (dépourvues de microbiote intestinal), ou traités par des antibiotiques à large spectre, présentent des réponses immunitaires faibles ou altérées contre les infections virales telles que le virus de la grippe ou le virus respiratoire syncytial.


→ Ainsi, de nombreuses études concluent que la malnutrition et la dysbiose microbienne dans l'intestin sont susceptibles de jouer un rôle important dans la progression des maladies respiratoires liées à l'âge chez les personnes âgées ; mais que la restauration d'un équilibre de la communauté microbienne intestinale favorise un vieillissement sain.


→ Il a été démontré que l'altération de l'axe intestin-poumon est associée à une prévalence accrue de l'asthme, à l'apparition et à la gravité des mécanismes inflammatoires de l'ASTHME atopique. Des études ont montré qu'une supplémentation précoce en lactobacilles peut diminuer le risque d'asthme dans l'enfance.


→ La découverte de liens malsains entre l'axe intestin-poumon et l'altération du microbiote suggèrent que cette dysbiose pourrait jouer un rôle important dans le développement de la BRONCHOPNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE (BPCO).


→ Une intervention alimentaire ciblée, consistant à augmenter la consommation de fibres, a augmenté la production d'acides gras à chaîne courte (AGCC) anti-inflammatoires, et ainsi a réduit l'inflammation pulmonaire chez les patients atteints de BPCO.

→ Certains chercheurs avancent qu’en raison de son rôle dans le maintien de l'équilibre pulmonaire, tout dysfonctionnement de l'axe poumon-intestin et de son microbiote respectif pourrait être critique dans la création du CANCER DU POUMON (tumorigenèse).


→ À la lumière de la saisissante pandémie de COVID-19, une diminution de la richesse et de la diversité du microbiote intestinal a été corrélée à une dérégulation immunitaire, à une diarrhée prolongée, à un retard dans la clairance virale, et même à une augmentation de la mortalité par exacerbation des infections pulmonaires.


→ Ainsi, des médecins déclarent qu’un traitement probiotique ciblé peut être utile pour rétablir les communautés microbiennes dans les compartiments muqueux des voies gastro-intestinales et respiratoires et pourrait être considéré comme un traitement d'appoint chez les patients atteints de la maladie COVID-19 et de sa forme longue. (Voir le blog LA COVID LONGUE : Le microbiote est la sortie du tunnel)


L’AXE INTESTIN-CERVEAU


La relation entre la diversité microbienne intestinale et la fonction cérébrale a récemment attiré l'attention de la communauté scientifique et médicale.


Des preuves récentes et de plus en plus nombreuses suggèrent la présence d'une interaction « bidirectionnelle » entre le microbiote intestinal et le cerveau, impliquant de multiples systèmes de signalisation neurologiques et endocriniens.


L'accumulation de données expérimentales et cliniques confirme le rôle clé de la dysbiose intestinale et des perturbations de l'axe cerveau-intestin-microbiote dans les processus neurodégénératifs tels que :


• les troubles liés au stress,

• les troubles du spectre autistique,

• la schizophrénie,

• la sclérose en plaques

• la maladie d'Alzheimer

• et la maladie de Parkinson.


Une période de STRESS CHRONIQUE induite chez des souris a modifié la diversité du microbiote intestinal en réduisant la quantité de bactéries bénéfiques et en augmentant le nombre de bactéries pathogènes.


Les complexes de signalisation de l'immunité innée inflammasome sont suractivés lorsque le microbiote intestinal est altéré par la présence de certains agents infectieux ou de bactéries intestinales pathogènes.


Cette suractivation des inflammasomes dans le cerveau a récemment été associée au développement et à la progression de nombreuses affections neuro-inflammatoires dont l’ANXIÉTÉ et la DÉPRESSION.


L’AXE INTESTIN-PEAU


La peau, le plus grand organe de notre corps, est la barrière la plus externe de l'organisme. Elle nous protège des agressions extérieures et détecte les signaux de danger. Elle contient un système immunitaire sophistiqué qui implique une armada de cellules immunitaires.


La peau abrite également des communautés microbiennes connues sous le nom de microbiote cutané, qui constituent une barrière de réponse vivante aux facteurs environnementaux.


Sous l'effet de divers types de stress, la relation symbiotique se transforme en une relation dysbiotique, ce qui entraîne des pathologies de la peau et de certains organes. De manière surprenante, un nombre croissant de preuves a révélé que les pathologies cutanées ne sont pas seulement dues à une dysbiose du microbiote de la peau, mais qu'elles s'accompagnent également d'altérations du microbiome intestinal.


Différentes études ont démontré l'existence d'un dialogue bidirectionnel entre la peau et le microbiote intestinal, appelé axe intestin-peau-microbiote. Il a été démontré que cette connexion intime, si elle est altérée, est associée à de nombreuses maladies de la peau telles que le PSORIASIS, la DERMATITE atopique et d'autres troubles, notamment le CANCER de la peau.


Un nombre croissant d'études ont montré que la santé intestinale et le mode de vie individuel (comme le tabagisme, l'alcool et l'augmentation du poids corporel qui tous altèrent le microbiote négativement) jouent un rôle central dans l'apparition et l'exacerbation des lésions psoriasiques.


La dysbiose intestinale et cutanée dans le psoriasis entraîne une détérioration de la barrière intestinale, porte ouverte à d’autres troubles sérieux.


L’ACNÉ VULGAIRE est un autre état inflammatoire de la peau qui est affecté par la dysbiose du microbiote intestinal et cutané.


L'acné induite par le stress s'explique par l'effet du stress sur le tractus gastro-intestinal. Le stress augmente la perméabilité intestinale, ce qui entraîne une inflammation de la peau.


On affirme donc qu’il existe un axe, impliquant le microbiote intestinal, cérébral et cutané, qui relie les microbes intestinaux, les prébiotiques et les probiotiques oraux, l'alimentation ainsi que le déséquilibre émotionnel et hormonal et qui contribue à la gravité de l'acné.


STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES DANS LA CORRECTION DU MICROBIOTE INTESTINAL


Aujourd’hui, le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques qui peuvent cibler les communautés microbiennes intestinales est à l’ordre du jour. Il vise à établir une manipulation et un traitement personnalisés de nombreuses maladies.


Médicalement parlant, de nombreuses stratégies ont déjà été couronnées de succès, notamment les prébiotiques, les probiotiques, mais il y a aussi la transplantation de microbiote fécal, l’hyaluronane, et les nouveaux miARN (micros ARN). Nous nous concentrerons sur les prébiotiques et les probiotiques, avant tout.


LES PRÉBIOTIQUES


« Les prébiotiques sont sûrs et efficaces. Ils ont un effet thérapeutique important et des effets secondaires minimes dans le traitement des maladies inflammatoires de l’intestin (MII). »


Une définition médicale récente (1995) : « Un ingrédient alimentaire non digestible qui a un effet bénéfique sur l'hôte en stimulant sélectivement la croissance et/ou l'activité d'une ou d'un nombre limité de bactéries dans le côlon, et améliore ainsi la santé de l'hôte. » Cet ingrédient incontournable pour nos bactéries sont tout simplement les FIBRES des céréales entières, des légumineuses, des légumes racines, des fruits, des noix et des graines.

Effets sur l’axe intestin-microbiote


Ces avantages sont principalement les acides gras à chaîne courte, toutes petites molécules qui peuvent exercer un effet anti-inflammatoire dans la régulation de nombreux troubles humains. Il s’agit d’un traitement intéressant non seulement au niveau local pour le tractus gastro-intestinal, mais aussi pour d'autres systèmes organiques éloignés, dont les axes intestin-microbiote, cerveau-microbiote et peau-microbiote.


Ils sont utilisés avec succès dans la maladie de CROHN, dans la prévention du CANCER du CÔLON car ils influencent positivement le dialogue entre le système immunitaire et le microbiote.


Effets sur l’axe cerveau-microbiote


Les prébiotiques agissent dans la régulation des troubles neurologiques. Ils ont un bon effet sur la maladie de HUNTINGTON (perte cognitive, mouvements involontaires), et peut également atténuer la sévérité des symptômes. Les prébiotiques ont montré un bon effet préventif dans de nombreux troubles neuropsychiatriques tels que l'AUTISME et la DÉPRESSION. De nombreuses études révèlent les bienfaits des prébiotiques sur la santé mentale des femmes en réduisant le stress et l'anxiété en QUELQUES JOURS.


LES PROBIOTIQUES


Les probiotiques, désignés comme « des organismes vivants qui, lorsqu'ils sont administrés à des doses adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé de l'hôte » sont administrés dans des aliments, des pilules ou des poudres, et sont disponibles en pharmacie, et dans les boutiques en ligne.


Les probiotiques ont été utilisés avec succès dans la prévention et le traitement de l'OBÉSITÉ chez les nourrissons et les adultes.


Il a été démontré que l'administration de micro-organismes bénéfiques réduisait le niveau de RÉSISTANCE À L’INSULINE chez les patients atteints de diabète sucré de type 2.


L'utilisation de probiotiques, qu'ils soient à une ou plusieurs souches, a été étudiée dans le traitement du syndrome du CÔLON IRRITABLE.


L'utilisation de probiotiques a été conseillée dans les INFECTIONS RESPIRATOIRES, et les pathologies neuro-inflammatoires dont la sclérose en plaques et la maladie d’Alzheimer.


Les probiotiques ont également été utilisés pour lutter contre la transmission des infections nosocomiales, appelées INFECTIONS ASSOCIÉES AUX SOINS.


LA TRANSPLANTATION DU MICROBIOTE FÉCAL


La transplantation de microbiote fécal consiste à introduire dans le côlon d'un receveur des selles liquéfiées ou encapsulées prétraitées provenant d'un donneur sain.


Son succès dans le traitement des infections bactériennes, principalement le C. DIFFICILE, est bien établie, mais aussi, de façon intrigante, dans le traitement d'autres troubles comme l'obésité et le diabète, ainsi que le syndrome métabolique.


La transplantation du microbiote fécal peut induire un déclin de la production endogène d'insuline chez des patients atteints de DIABÈTE DE TYPE 1 récemment diagnostiqués, 12 mois après le début de la maladie.


Quant aux autres thérapies, elles sont en cours d'études cliniques, comme les métabolites associés au microbiote intestinal, les phages (pour restaurer le microbiote intestinal dysbiotique) et les miARN (d'importants régulateurs de l'interaction microbiome-hôte, car leur rôle dans la communication inter-espèces a été prouvé.)


CONCLUSION


« Nous sommes certains, après de multiples efforts impressionnants et considérables, que le microbiote intestinal forme avec les organes de l'hôte une diaphonie multidirectionnelle impliquée dans le maintien d'un équilibre global. »


Ces interactions flore-organes sont désormais connues sous le nom d'axes intestin-poumon, intestin-cerveau, intestin-peau, et bien d'autres encore. Toute altération de ces axes, en termes de dysbiose microbienne, constitue l'un des principaux facteurs de risque dans la pathogenèse de nombreuses maladies, notamment l'inflammation du tractus gastro-intestinal, les troubles métaboliques et cardiovasculaires-rénaux, ainsi que les troubles neurologiques.


Certes, d'autres stratégies sont en cours d'étude clinique, MAIS les pré- et les probiotiques, restent le choix traditionnel et de première ligne des thérapies microbiennes.


Définitivement, « la médecine de demain passera par le microbiote. »


SOURCES

1. Giulia T. Uhr et coll., The Dimension of Time in Host-Microbiome Interactions, mSystems, 2019.

2. Prisca Gebrayel, et coll., Microbiota medicine: towards clinical revolution, Journal of Translational Medicine, 2022. Journal of Translation Medicine, 2022.

3. Qi Wu, et coll., Dietary regulation in health and disease, Signal Transduction and Targeted Therapy, 2022.



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