LA MÉDECINE DE DEMAIN…DÈS AUJOURD’HUI
Une très récent article (2022), déclarait dans sa conclusion : « La médecine de demain passera par le microbiote. »
Impossible d’ignorer une telle affirmation et ne pas chercher à comprendre pourquoi des scientifiques peuvent risquer d’affirmer aussi carrément une telle chose.
SI DEMAIN POURQUOI PAS AUJOURD’HUI ?
Voici les preuves avancées par de très nombreux chercheurs pour soutenir mon vœu que cette médecine soit pour vous tous celle du temps présent.
→ Le microbiote est hautement dynamique (1).
• Sa composition et sa fonction peuvent se modifier à des échelles de temps très courtes.
• Il subit des fluctuations microbiennes quotidiennes qui sont fortement influencées par le moment et le type de prise alimentaire.
• Une étude contrôlée sur des volontaires sains consommant des régimes alimentaires définis a montré que les modifications de la composition du microbiote provoquées par une intervention alimentaire étaient déjà effectives dans les 24 heures. La consommation à court terme (4 jours) de régimes entièrement basés sur des produits animaux ou végétaux a suffi à introduire des modifications distinctes du microbiote intestinal à l'échelle de la communauté bactérienne, associées à des changements rapides de la concentration des acides gras à chaîne courte dans l'intestin – concentration très faible pour les régimes à base de produits animaux, et très forte pour les régimes à base de produits végétaux. (Voir le blog : Le merveilleux pouvoir protecteur des acides gras à chaîne courte)
→ Le déséquilibre du microbiote (dysbiose) et les maladies humaines
• Le microbiote intestinal a fait l'objet d'études approfondies. On sait qu’il est impliqué dans la régulation de l’équilibre (homéostasie) de nombreux organes : le tractus gastro-intestinal, les poumons et le cerveau, entre autres. Ainsi, la dysbiose intestinale joue un rôle dans la progression de nombreuses maladies par le biais des connexions inter-organes les plus importantes telles que les axes intestin-poumons et intestin-cerveau.
• Le tube digestif est le site le plus important pour la colonisation par des milliers de micro-organismes tels que les virus, les eucaryotes (cellules à noyau structuré) et plus de 1000 types de bactéries. Ces microbes, appelés collectivement microbiote intestinal, sont bien connus pour avoir différents rôles bénéfiques dans le renforcement de l'intégrité intestinale, la récolte d'énergie, la protection contre les agents pathogènes et la régulation de l'immunité.
• La dysbiose du microbiote intestinal peut être associée à de nombreuses pathologies du corps humain, telles que la parodontite et les caries, divers troubles métaboliques, les syndromes inflammatoires chroniques de l'intestin, les maladies cardiovasculaires, le cancer, ainsi que les maladies rénales chroniques.
→ La dysbiose du microbiote et la carcinogenèse
• L'altération de la structure et de la fonction du microbiote intestinal a des conséquences généralisées qui vont bien au-delà de celles liées à la digestion.
• En effet, on estime que les micro-organismes pourraient être associés à la tumorigenèse (constitution d’une tumeur) de 15 à 20 % des cancers, qui représentent la deuxième cause de mortalité dans le monde.
• De plus en plus de preuves suggèrent que le microbiote humain est impliqué dans les causes, les facteurs et les processus de développement des cancers (étiopathogénie). Dans des études, le microbiote intestinal n'a pas seulement été capable d'affecter la carcinogenèse colorectale, mais il a également semblé affecter d'autres types de cancers éloignés de l'intestin tels que les carcinomes du poumon et de la prostate.
• Parmi les microbes intestinaux, la bactérie cancérigène la plus connue est Helicobacter pylori. Plusieurs études ont également signalé que les E. coli génotoxiques producteurs de colibactine sont associés au développement du cancer colorectal.
→ La dysbiose du microbiote dans les syndromes métaboliques
• Des études récentes suggèrent que la dysbiose du microbiote intestinal est associée à de nombreux troubles métaboliques tels que l'obésité, l'hyperglycémie, la dyslipidémie, etc.
• Ces études ont clairement montré que la dysbiose du microbiote intestinal est impliquée dans la régulation du stockage des graisses dans le corps humain, et par conséquent dans l'apparition de l'obésité.
• L'augmentation de la consommation de graisses alimentaires, typique des pays occidentaux, est l'un des principaux déclencheurs de la dysbiose du microbiote intestinal, ainsi qu'un inducteur connu de maladies métaboliques telles que l'obésité et le diabète de type 2.
• Cet excès de graisses alimentaires, associé à une consommation élevée de sucre, s'est avéré être l'un des principaux facteurs favorisant la colonisation de l'intestin par des entérobactéries, comme Escherichia coli, pro-inflammatoire et/ou génotoxique.
• Ces bactéries peuvent affecter la stabilité de l'ADN des cellules hôtes par la production de colibactine, une génotoxine qui induit des ruptures de double brin d'ADN, exerçant ainsi une activité pro-tumorigène.
→ La dysbiose du microbiote dans les maladies rénales chroniques
• Un grand nombre de publications ont fourni des preuves de l'existence d'une interaction bidirectionnelle entre la dysbiose du microbiote intestinal et l'inflammation chronique dans le corps humain, qu'elle soit locale ou qu'elle dépasse le tractus gastro-intestinal.
• La dysbiose intestinale n’est pas seulement impliquée dans le développement de la maladie rénale chronique, mais elle apparaît également comme un nouveau et principal facteur de risque dans l'aggravation de la maladie et la progression de ses complications telles que les comorbidités cardio-vasculaires.
• Il a été observé qu'une altération du microbiome intestinal est impliquée dans de nombreux effets hypertensifs chez l'humain, ainsi que dans l'augmentation des niveaux d'acides biliaires dans le sang qui sont directement liés à un risque élevé de maladies cardiovasculaires.
• Différentes études ont révélé que l'hémodialyse pouvait exacerber la dysbiose du microbiome intestinal.
→ La dysbiose du microbiote dans les maladies chroniques du foie
• Le microbiote intestinal communique avec le foie par différentes voies complexes. Par conséquent, toute modification du microbiote intestinal peut fortement affecter le foie.
• Une dysbiose intestinale, causée par une perméabilité intestinale altérée et un métabolisme des acides biliaires endommagé, pourrait atteindre le foie et entraîner une inflammation systémique.
• Il a été prouvé que la gravité et le type de maladie chronique du foie dépendent fortement de la progression de la dysbiose intestinale.
• Plusieurs maladies chroniques du foie résultent de ces altérations : l'hépatite B chronique, l'hépatite C chronique, la maladie alcoolique du foie, la stéatose hépatique non alcoolique, la cirrhose du foie et le carcinome hépatocellulaire.
→ Interaction microbiote-médicaments et troubles psychiatriques
• La dysbiose microbienne intestinale a également été décrite lors de l'utilisation de nombreux médicaments dans le traitement d'une grande variété de maladies, que ce soit localement ou à distance du tube digestif.
• Il a été démontré que non seulement les antibiotiques traditionnels, mais aussi d'autres médicaments et molécules bioactives ont une activité antimibactérienne (qui perturbe le microbiote).
• Parmi ces médicaments figurent ceux qui sont utilisés dans le traitement des troubles psychiatriques. L'utilisation répétitive et prolongée de ces médicaments peut avoir une importance significative pour les patients.
• Les antidépresseurs couramment utilisés diffèrent par les mécanismes de leur activité antibactérienne ; par exemple : les inhibiteurs de la monoamine-oxydase peuvent perturber la synthèse de la paroi cellulaire bactérienne ; les antidépresseurs tricycliques (ATC) peuvent inhiber l'activité de l'ADN gyrase et la réplication de l'ADN plasmidique ; et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine peuvent inhiber les pompes d'efflux bactériennes. (L'efflux est un mécanisme par lequel les cellules rejettent à l'extérieur des composés toxiques : antibiotiques, métaux lourds, drogues.)
• Selon une méta-analyse récente, les psychobiotiques (probiotiques améliorant la santé mentale) sont prometteurs dans le traitement du trouble dépressif majeur.
• Les altérations du microbiome liées au traitement antipsychotique peuvent entraîner une prise de poids et des perturbations métaboliques.
Conclusion
Dans une deuxième partie, nous parlerons des interactions microbiote-organes qui sont désormais connues sous le nom d'axes intestin-poumon, intestin-cerveau, intestin-peau.
Nous parlerons aussi des stratégies thérapeutiques proposées actuellement dans la manipulation du microbiote intestinal, ce que l’on appelle déjà « la médecine de demain ».
Personnellement, je vous encourage, armés de la connaissance du dynamisme extraordinaire du microbiote réagissant en 4 jours à un régime riche en fibres, à relire le blog Probiotiques ou Prébiotiques ?
© 2022 Danièle Starenkyj
RÉFÉRENCES
1. Giulia T. Uhr et coll., The Dimension of Time in Host-Microbiome Interactions, mSystems, 2019.
2. Prisca Gebrayel, et coll., Microbiota medicine: towards clinical revolution, Journal of Translational Medicine, 2022.
3. Qi Wu, et coll., Dietary regulation in health and disease, Signal Transduction and Targeted Therapy, 2022.
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