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Danièle Starenkyj

L’ETHNOMÉDICINE, UNE SAGESSE AU SECOURS DE DE LA CHIMIE SYNTHÉTIQUE 

Encore bercé par le miracle de la pénicilline dans les années 1940, notre monde a beaucoup de réticence à accepter que les bactéries soient devenues plus intelligentes que les antibiotiques, et tout à fait capables de tenir en échec leurs effets bénéfiques.


L’OMS parle avec inquiétude et urgence d’un phénomène que l’on a de la difficulté à assumer depuis maintenant trop longtemps, soit l’antibiorésistance.


QUAND LA RÉSISTANCE S’INSTALLE


L’antibiorésistance n’est pas un phénomène nouveau. Depuis la découverte de la pénicilline, chaque nouvelle génération d’antibiotiques a vu apparaître des mécanismes de résistance lui correspondant. Les premières résistances à la pénicilline apparaissent rapidement, et en 1955, Alexander Fleming, le découvreur de la pénicilline, met en garde contre l’usage abusif de ce médicament. Les premières bactéries multirésistantes apparaissent, elles, dans les années 1970. Mais en 2000, surgissent les bactéries hautement résistantes.


Cet effet de résistance en crescendo amène le Dr Tedros, directeur général actuel de l’OMS, à déclarer : « La résistance aux antimicrobiens s’attaque aux fondements de la médecine moderne et met en péril la vie de millions de personnes. » 


Elle compromet toutes les avancées de la médecine depuis 70 ans. En 2023, on trouve des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques dans la plupart des infections comme par exemple, les infections de la peau, des méningites, les infections sexuellement transmissibles (gonorrhées), les infections urinaires ou les infections des voies respiratoires comme des pneumonies.


LES COFFRES AUX TRÉSORS DE LA NATURE


Les problèmes nous dépassent. On parle de maladies émergentes et nouvelles, de résistance aux médicaments, de latence et de réactivation, ainsi que de durée de vie plus courte de la plupart des agents ou médicaments synthétiques.


Ces réalités, ignorées en grande partie du public, ont incité les scientifiques à fouiller dans les coffres aux trésors de la nature pour découvrir et explorer les métabolites naturels des plantes pour la gestion de diverses maladies, y compris les maladies virales.


On se penche avec un intérêt intense sur la médecine traditionnelle des communautés ethniques, de leurs connaissances et de leurs pratiques transmises oralement pendant des siècles, et qui ont évolué au cours des millénaires d'existence humaine, et c’est ce que l’on appelle aujourd’hui « ethnomédecine ».


Avec l'essor de la recherche, les plantes utiles sur le plan ethnomédical sont devenues l'une des ressources les plus acceptables non seulement pour l'industrie pharmaceutique afin de développer des pistes thérapeutiques utiles, ou des produits pharmaceutiques, mais aussi pour aider à développer des compléments ou des produits naturels, et même des cosmétiques.


Les rapports du programme de médecine traditionnelle de l'OMS ont montré qu'un total de 122 composés ont été isolés à partir de 94 espèces végétales, dont 80 % étaient utilisées à des fins ethnomédicales. Comme ces composés ne provenaient que de 94 espèces de plantes sur un total estimé à 250 000 plantes à fleurs, on peut imaginer l'abondance de médicaments restant à identifier dans le règne végétal. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de la nature comme d’un coffre à trésors !

LES PLANTES ANTIVIRALES


Les besoins non satisfaits en matière d'antiviraux efficaces ne peuvent être comblés qu'en sortant des sentiers battus et les connaissances ancestrales de l'ethnomédecine peuvent constituer un coup de maître contre ces maladies mortelles.


Les ethnomédicaments se sont avérés efficaces comme thérapie antivirale, en raison des perspectives suivantes :


→ Les plantes produisent des milliers de composés en tant que métabolites secondaires qu'elles n'ont pas besoin pour leur survie et leur propagation. Ces métabolites regroupés en composés phénoliques (flavonoïdes, quinones, coumarines, tanins et anthocyanines), terpénoïdes (stérols, saponines, huiles essentielles et cucurbitacines), alcaloïdes, protéines, peptides, etc. sont spécifiques à chaque espèce et très variés en termes de structure et de bioactivité. Ces composés sont nauséabonds, toxiques et sont synthétisés principalement comme armes de défense contre les prédateurs et les pathogènes.


→ La recherche d'antiviraux à partir de plantes médicinales d'usage traditionnel est basée sur leur sagesse, leur foi, leur disponibilité et les résultats positifs obtenus depuis des générations pour soigner des affections ou des maladies. La plupart de ces plantes ou phytocomposés dérivés de plantes ont des activités anti-inflammatoires, antioxydantes, antipyrétiques, antihelminthiques, antifongiques, antibactériennes et antivirales.


→ Les activités médicamenteuses des plantes ou des produits végétaux, y compris l'activité antivirale, ont été attribuées aux métabolites secondaires des plantes dont, entre autres :


• La catéchine, présente dans les feuilles de thé vert, la boisson la plus populaire au monde, lorsqu'elle est fermentée en théaflavines, peut neutraliser le rotavirus et le coronavirus bovins.


• Une autre herbe commune, le basilic doux de l'Inde et de la Chine, a une activité antivirale à large spectre. L'extrait aqueux et éthanolique ainsi que l'apigénine, le linalol et l'acide ursolique purifiés ont montré une forte activité contre le virus Herpès simplex (HSV-1), l'adénovirus 8, le Coxsackievirus.


LES MULTIPLES TACTIQUES DES ANTIVIRAUX VÉGÉTAUX


En général, les composés d'origine végétale exercent des effets antiviraux par divers modes et MÉCANISMES, notamment :


• l'inhibition de l'autophagie,


•la génération d'espèces réactives de l'oxygène (ERO),


• la modification de l'expression génétique virale,


•l'inhibition de l'entrée du virus dans la cellule hôte, y compris l'attachement et la pénétration,


• l'inhibition des différentes étapes de la réplication,


• l'inhibition de la libération virale, ainsi que la modulation des paramètres immunitaires de l'hôte.

UNE SOURCE MAJEURE DE DIVERS COMPOSÉS BIOACTIFS


Les plantes ont toujours été une source majeure de divers composés bioactifs. Beaucoup d'entre eux ont montré des activités anticancéreuses, antibactériennes et antiparasitaires, mais aussi antivirales. En voici la liste :


→ Les alcaloïdes


Ce groupe de composés s'est révélé efficace contre des virus comme l'hépatite B, le virus Herpès simplex, la dengue (le virus est transmis par des moustiques).


→ Les coumarines


Les coumarines se sont avérées puissantes contre de nombreux virus comme le VIH, le virus Herpès simplex, la dengue et le chikungunya (maladie virale transmise par des moustiques).


→ Flavones, flavonoïdes et flavonols


Les flavonoïdes sont une classe de métabolites secondaires des plantes et des champignons, tandis que les flavones sont une classe de flavonoïdes et sont synthétisées en réponse aux infections microbiennes. Ils sont donc des agents antimicrobiens à large spectre. Les flavonoïdes représentent une source naturelle importante d'agents antirétroviraux, notamment pour la thérapie du SIDA.


→ Terpénoïdes et huiles essentielles


Ces composés sont actifs contre de nombreux virus.


→ Tannins


Des études montrent que les tanins sont actifs contre de nombreux virus, y compris les virus enveloppés comme le virus de la grippe H3N2 et H5N3, le virus Herpès simplex, le virus de la stomatite vésiculaire, le virus Sendai et le virus de la maladie de Newcastle, ainsi que contre les virus non enveloppés comme le poliovirus, le coxsackievirus, l'adénovirus, le rotavirus, le calicivirus félin, etc.


→ Lignanes


Ces composés ont également montré une action antivirale puissante.


CONCLUSION


Selon l'OMS, son objectif actuel de la « santé pour tous » ne peut être atteint sans le concept UNE SEULE MÉDECINE, UNE SEULE SANTÉ et sans l'incorporation des médicaments à base de plantes dans le système de soins de santé primaires. Notre système médical moderne basé sur une chimie synthétique se tourne résolument vers le système médicinal ancestral pour faire face aux nouveaux problèmes de santé publique, dont l’antibiorésistance.


La semaine prochaine, nous vous parlerons d’une écorce d’arbre ancestrale absolument étonnante !


©2023 Danièle Starenkyj

SOURCES

- Rajib Das et coll., Medicinal plants used against hepatic disorders in Bangladesh: A comprehensive review, J Ethnopharmacol, 2022.

- Ananya Das Mahapatra, et coll., Ethnomedicinal Wisdom, An Approach for Antiviral Drug Development, New Look to Phytomedicine, 2019.









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