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Danièle Starenkyj

DES INDUSTRIES RESPONSABLES DE LA MORT DE MILLIONS DE PERSONNES ?

Je pose la question en réaction à un gros titre d’un rapport de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) daté du 12 juin 2024 avec pour sous-titre :


« Un nouveau rapport de l’OMS montre comment les grandes entreprises favorisent les maladies chroniques, font obstacle à la politique de santé, et ciblent les personnes vulnérables. »


DE QUOI S’AGIT-IL ?


Ce rapport qualifié de « novateur » affirme carrément que derrière nos maladies non transmissibles actuelles (maladies cardiovasculaires, cancers, obésité, diabète, maladies respiratoires, etc.) et la mortalité prématurée qu’elles entraînent, il y a de puissantes industries qui font obstacle aux efforts de prévention et de lutte mis sur pied par les pouvoirs publics.


Ce rapport cible clairement les facteurs de risque de ces maladies définitivement liées à nos habitudes de vie et alimentaires et met en tête de liste : l’alcool, le tabac, l’alimentation ultra-transformée, les boissons sucrées, la viande, les produits pharmaceutiques, etc.

COMMENT ?


Nous devrions le savoir depuis le temps, et avoir appris à nous en méfier, mais les multiples tactiques employées par les industries pour maximiser leurs profits sans égard à la santé publique sont à la base de ces statistiques honteuses dans nos pays développés : 19 millions de personnes tuées par an dans le monde, 7000 par jour juste en Europe.


Obstacle majeur aux politiques de prévention, les stratégies de marketing augmentent les profits des industries, certes, mais nuisent à la santé publique et « alimentent les taux de cancer [alcool], de maladies cardiovasculaires et respiratoires chroniques [tabac]et de diabète [boissons sucrées] ».


Ce rapport « explique en détail comment des industries telles que le tabac, l'alcool, l'alimentation, les produits pharmaceutiques et l'industrie des soins de santé ont intégré des campagnes de marketing pour rendre glamour et normaliser l'utilisation de produits nocifs, y compris ceux qui ciblent souvent les enfants et les groupes défavorisés sur le plan socio-économique, entre autres ». (OMS, 2024) Mais aussi pour empêcher, affaiblir et retarder les réglementations en matière de santé publique.


Ces études de cas sont présentées :


→ l’opposition de l’industrie à la réglementation des cigarettes électroniques,


→ l'opposition de l’industrie aux taxes sur les boissons sucrées,


→ et un exemple de lobbying de l'industrie pharmaceutique utilisant les associations de patients et les familles.


LA SCIENCE ARNAQUÉE


Un chapitre dans ce rapport étudie l'utilisation des pratiques scientifiques par les acteurs commerciaux. Il met en évidence le problème généralisé de la désinformation et de la mésinformation. Voici les cinq stratégies les plus utilisées afin de favoriser les intérêts des acteurs commerciaux, et très particulièrement des industries nocives pour la santé : 


→ financement de recherches favorables à l'industrie (L’alcool bon pour le cœur !!!),


→ diffusion de fausses informations dites scientifiques,


→ affaiblissement des lignes directrices en matière de santé publique (La loi Evin en France sur la publicité pour l’alcool contournée et atténuée),


→ interprétation et déformation des preuves dans les programmes d'éducation des jeunes,


→ détournement des critiques et évitement de la réglementation par le biais d’activités apparemment bienveillantes :


● le pinkwashing où l’industrie de l’alcool s’associe à des organisations caritatives de lutte contre le cancer du sein [Or, « Il y a une relation de cause à effet entre la consommation d’alcool même légère, soit un verre par jour, et le cancer du sein chez les femmes. » (Voir références plus bas)]


● l’artwashing où l’industrie pharmaceutique et l’industrie du jeu promeuvent les arts et la culture.


Également, les acteurs commerciaux ne manquent pas d’exploiter les crises et les situations d'urgence pour promouvoir leurs intérêts commerciaux, ce qui peut à nouveau se faire au détriment de la santé publique.

Voici quelques études de cas :


→ la crise du coût de la vie utilisée par McDonald’s pour pousser ses repas hamburger, frites et boisson sucrée,

→ la compagnie de tabac Philip Morris International changeant en 2024 son nom pour Global Action to End Smoking après la Covid-19,


→ et l'industrie des préparations commerciales à base de lait profitant de la guerre en Ukraine pour promouvoir ses produits et influencer les politiques publiques.


Bien sûr, ces actions peuvent aussi exacerber les risques de maladies non transmissibles et saper les réponses de santé publique.


CONCLUSIONS


Les grandes entreprises dépensent des ressources considérables pour s’opposer aux réglementations d’intérêt public, manipuler les preuves scientifiques et le discours public, et faire supporter aux populations et à l’environnement le coût des dommages qu’elles causent, en aggravant ainsi la charge des maladies non transmissibles.


À l’aide de méthodes explicites et implicites, elles retardent, découragent et bloquent les politiques relatives aux maladies non transmissibles. Par exemple, elles luttent contre les mesures de lutte antitabac et l’étiquetage sanitaire et nutritionnel obligatoire des produits alimentaires et des boissons alcoolisées.


Je demande : tout comme sur les paquets de cigarettes les images montrant les effets du tabac sur nos organes, « À quand sur les bouteilles de vin des photos d’enfants atteints du syndrome de l’alcoolisme fœtal, entre autres ? » Ou dans les débits d’alcool, comme pour l’interdiction de fumer, une affiche indiquant : « La consommation d'alcool est un facteur de risque évitable qui peut entraîner une mort prématurée et plus de 200 maladies, dont sept types de cancer, des troubles neuropsychiatriques, des maladies cardiovasculaires, une cirrhose du foie et plusieurs maladies infectieuses. » (OMS, 2024)


Les facteurs commerciaux ont absolument une série d'influences sur les maladies non transmissibles. On fabrique des cigarettes, on produit de l’alcool, on conçoit des aliments qui créent une dépendance et qui sont fortement commercialisés, et on subit le «marketing de formes inefficaces de dépistage du cancer et à la promotion de médicaments anticancéreux dont les bénéfices sont marginaux mais dont les prix ne cessent d'augmenter. » (OMS, 2024)


Selon Franck Vandenbroucke, vice Premier ministre belge et ministre des Affaires sociales et de la santé publique, nous devons changer notre façon de penser.


« Pendant trop longtemps, nous avons considéré que les facteurs de risque étaient essentiellement liés à des choix individuels. Nous devons redéfinir le problème comme un problème systémique où la politique doit contrer les environnements d’hyperconsommation, restreindre le marketing, et mettre fin à l’ingérence des entreprises commerciales dans l’élaboration et la mise en place des législations en santé publique. » (OMS, 2024)


En attendant ce temps idyllique, que chacun de nous utilise l’arme la plus puissante de dissuasion à sa portée immédiate, toujours absolument efficace, basée sur des données absolument probantes et incontournables : « NON merci, je ne_____ pas. »


SOURCES

● Commercial determinants of non communicable diseases in the WHO European region, 2024.

● Seitz H.K.et coll., Epidemiology and Pathophysiology of Alcohol and Breast Cancer : Update 2012, Alcohol and Alcoolism, 2012.

● Beata Starek-Świechowicz et coll., Alcohol and breast cancer, Pharmacol Rep, 2023.

● Starenkyj Danièle, RÉFLEXIONS POUR UNE VIE MEILLEURE, Orion, 2015.

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